dessins Jihel Allumettes
NAPOLEON
Napoléon a tout d'abord été une impulsion positive chez l'enfant et l'ado que j'étais, puis peu à peu elle est devenue négative au point de m'obséder.
Parti de mon imaginaire de gosse, il était le vainqueur et figurait toujours en haut d'une colline, puis l'image s'affinant à la fin de mon adolescence, il est devenu le dictateur sanguinaire, l'homme de la guerre et des massacres. Il deviendra donc le symbole de ce que je détestais, il est passé de héros à criminel, de révolutionnaire à dictateur.
Waterloo s'est alors imposée à moi comme une délivrance et j'essaie par mes créations de condamner les crimes qu'il a commis contre les peuples, de la sorte nombre de personnages vont devenir mes "Poléons" pour exprimer mon dégoût de celui qui rétablira l'esclavage en 1802 que la Convention avait aboli en 1794.
Napoléon était raciste et antirépublicain, ainsi il fait figure dans mes dessins de personnage douteux de l'histoire au même titre que Staline ou Hitler, Pinochet ou Franco...
Jihel.
Les Na"Poléons" de Jihel
On ne peut pas dire que Jihel soit un grand admirateur du petit caporal devenu Empereur, mais il parait logique qu'il se soit emparé de l'image du personnage historique Français le plus connu au monde.
Dans ses dessins il lui reprochera souvent d'être le fossoyeur de la République et d'avoir rétabli l'esclavage en 1802, mais il ira plus loin, beaucoup plus loin. Son esprit anarchisant va délirer sur toutes sortes de sujets et personnages faisant allusion à Napoléon, il pourra passer allégrement de Chevènement (Souvent dénommé Belfort) à Clemenceau, de Macron à Sarkozy, etc...
En fervent adepte de l'uchronie, il va évacuer la fonction artistique en la fondant dans l'idéologie, la Corse bien sur avec Yvan Colonna, images militantes fortes qui ne feront pas toujours rire en haut lieux tant l'acidité mettant en scène les protagonistes de l'affaire est présente pour défendre son ami emprisonné. Son trait fort et violent provoque à souhait celui qui se plait à s'arrêter sur ses séries chromatiques où la couleur défie le noir de sa motivation, je l'ai déjà dit, nous avons à faire à un dessinateur libertaire qui a largement oublié les règles de sa profession faisant fi de toute déontologie.
Il puisera dans l'énigme et l'interrogation une puissance de feu digne des plus grandes victoires de Napoléon, sic.
Personne n'est à l'abri de son crayon et de sa plume, coiffant d'un bicorne de ci de là ses meilleurs ennemis, à lire les textes on trouve souvent des inimitiés durables, il me dira un jour "J'ai été conduit à me tourner vers des charges d'instinct pour évacuer une émotion basique afin de canaliser une violence de lumière" Difficile à traduire sur le papier mais à partir de cette phrase on sent bien que chaque dessin sort du tréfonds de ses tripes et se trouve toujours pour appuyer là où ça fait mal.
Jihel est un artiste qui croit au travail acharné en se méfiant de ses inspirations ,tout est réfléchi pour que le premier regard de ses amateurs ne soit pas le bon, un dessin doit être vu et revu, lu et relu, ceci afin que le message se décale vers une improvisation qui n'en finit jamais, Il est difficile d'échapper à cet équilibre des lignes et des mots quand l'auteur les veut changeantes.
Je parlais d'interrogation, en voilà une quand Jihel se joue d'un Napoléon Franc maçon ou pas, c'est selon, avec un Grand Orient à sa botte, pas un tablier ne dépasse, la dictature est avancée, et là ce créateur diabolique dont on ne sait vraiment si le cordon libertaire l'habite tant il sait faire refleurir l'acacia en hiver, tant il a donné à réfléchir en bien ou en mal sur le dit-sujet, se trouve à son aise pour amplifier une analyse en mal de découvertes, et là véritablement se trouve son succès non démenti depuis des décennies. C'est vrai, Napoléon était entouré de Francs maçons, mais Mitterrand aussi, alors...épluchez les dessins de Jihel, la réponse est certainement contenue dans l'un ou l'autre.
Et puis toujours la Corse avec le préfet Bonnet nommé par Chevènement ou encore Monis pendant les événements viticoles de 1911, Clemenceau ou Poncelet, tous coiffés du fameux bicorne, chaque dessin est un voyage dans un passé plus ou moins proche, une invitation à faire des recherches.
Jihel est un passeur d'idées, un artiste flamboyant que rien n'arrête, rien ne lui échappe, ni le Duc d'Enghien mort dans les fossés de Vincennes, ni même le roi perdu et encore moins Talleyrand... Le nom est lâché, omniprésent, le diable boiteux va agrémenter une multitude de dessins parfois scabreux, limite scatologiques avec à la clef une mine d'incertitudes pour l'historien que je suis. Ce personnage qui va accompagner Napoléon de dévotion en traitrise est bien en place dans ces satires, émanations d'un temps infini, c'est du moins ce que Jihel tente de faire ressentir dans ses multiples créations. C'est bien ici que l'insaisissable transcende ce créateur hors normes, nostalgique d'un monde révolu, il ne nous appartient plus, il est "en dehors" et tant pis pour nous qui n'avons pas su le saisir au moment où sa force et son talent installaient une sensibilité de tous les instants comme une force romantique et anachronique. Il a sillonné pendant plus de vingt ans les expositions en France et à l'étranger.
Les ennemis, les rancoeurs exprimées sur papier, bicorne à l'appui, bicorne de la honte pour un gribouilleur sans talent qui profitera d'un espace de gentillesse offert par Jihel pour une notoriété qui ne viendra jamais tant ses dessins sont mornes et plats, cycle des saisons il cherche toujours une vérité,la sienne dans un troisième oeil, caricature ambulante squelettique qui impose un non-copyright de rigueur. Jihel a su saisir la profondeur de vue dans des dessins séduisants tout en abstraction contre celui qui fut le plus mauvais de ses choix "artistiques" le mot est fort pour qualifier un gribouilleur mortifère. Il faut savoir que je n'ai posé aucune question à Jihel sur sa relation contre nature avec cet individu, mais que tout se lit comme dans un livre ouvert dans ses planches.
Le Tarn apparait souvent également et là l'énigme est plus corsée, au minimum deux personnages sont à la une, deux personnages grotesques dont l'un semble tirer les ficelles, l'autre faisant figure de niais. Je vous invite à analyser cette partie sensible de l'oeuvre de Jihel.
J'ai gardé pour la fin une histoire rocambolesque où s'agitent des personnages dénommés Pierre Combaluzier, Thierry Lentz, Emmanuel de Waresquiel et notre gribouilleux. A l'origine, les dessins de Jihel étaient hébergés sur un site dédié à Talleyrand tenu par Pierre Combaluzier alias Pierpot, si j'analyse bien tous les dessins, ce site a disparu des écrans radars du jour au lendemain et la responsabilité incomberait à la Fondation Napoléon de Lentz, mais car rien n'est jamais terminé, des dessins assez énigmatiques contrediraient cette version de l'affaire et feraient allégeance à "Pierpot" d'une manière peu coventionnelle, Waresquiel étant très en retrait dans cette affaire, il n'apparait que peu souvent ,par contre le gribouilleux qui avait eu maille à partir avec Pierpot n'est pas ménagé.
Ainsi se termine une des plus belles manières que j'ai eu à lire et étudier sur Napoléon, que Jihel en soit ici remercié.
Ernst FLAVIAN
Professeur d'histoire.